FRENCH ARTICLES

FRENCH TV
Demandez le programme

1983-2004 : 21 ans que FRENCH TV existe avec à son actif… 8 albums, tous parus sur le propre label du groupe, Pretentious Dinosaur Records. Beaucoup d’entre vous connaissent déjà un petit peu ce groupe qui est classé généralement dans le camp post-Rock In Opposition. Sa musique, sophistiquée et intelligente, a pas mal évolué le long des albums tout en gardant son style. Aux chroniques déjà parus précédemment dans TRA­VERSES, voici un complément discographique à l’usage des non-initiés. Leader à la personnalité extravertie et engageante, Mike SARY a répondu à nos questions avec une verve très personnelle.

Emissions discographiques

1987 : After a Lenghty Silence. Après un premier album homonyme de 1984 (voir chronique de sa réédition dans TRAVERSES n°9) il faudra attendre 3 ans pour revoir FRENCH TV émettre… «après un long silence». 7 morceaux dont deux de plus de 13 minutes (dont une reprise de NEKTAR) ce deuxième opus de FRENCH TV est bien doté pour les amateurs du style RIO : ryth­mes alambiqués, accords variés, riches et souvent pour le moins curieux si ce n’est dissonants, densité élevée, cuivres souvent présents. Cela n’empê­che pas les guitares ou les claviers de faire de belles envolées mais tou­jours dans l’esprit RIO. Très imprévisible – c’est le style qui veut ça – la musique de FRENCH TV possède des mélodies variées et riches de par leurs harmonies légèrement jazzy mais malheureusement (ou heureu­sement c’est selon) rarement accrocheuses. L’alternance entre les moments tranquilles et rapides, légers et denses se fait dans la plus pure tradition du progressif pour distiller des émotions aussi variées que la mélancolie ou l’angoisse. La plupart des morceaux sont écrits par Mike SARY et le tout en 1 mois pour des raisons d’agenda des musiciens (sauf la reprise de NEKTAR, A Tab in the Ocean, qui n’était pas originellement sur le LP mais qui est sortie avec la version CD en 1996) ce qui explique l’homogénéité des titres. Mais le morceau com­posé par le groupe en entier, Vacilando (9’10”), me semble le plus émouvant, le plus aérien et symphonique comme les meilleurs CLEARLIGHT avec des nappes de claviers et un piano simple, sobre et lumineux, comme la guitare d’ailleurs, le tout soutenu par une sec­tion rythmique fabuleuse. Un bijou qui mérite à lui seul l’acquisition du CD. Le disque s’achève donc par la reprise fidèle et intéressante de A Tab in the Ocean de NEKTAR, montrant que FRENCH TV connaît bien ses classiques!

1992 : Virtue in Futility. Trois ans pour enregistrer les morceaux de ce troisième opus et un groupe toujours aussi nombreux et deux ou trois artistes presque toujours présents (batteur, guitariste). Mike SARY compose les 7 morceaux qui durent entre 6 et 12 minutes. Toujours très écrite et alambiquée la musique a ici pris un tour plus abouti sur la pro­duction. Encore plus complexe dans ses structures rythmiques, la musi­que acquiert un côté plus jazzy et un autre plus expérimental (un titre est un collage d’enregistrements de nouvelles et discours politiques sur fond de percussions). Plus mûr, ce disque établit ou réaffirme le style de FRENCH TV avec des sonorités classiques de progressif ou de jazz (basse, batterie, claviers, guitares et cuivres) et des motifs imprévisi­bles, compliqués et denses.

1995 : Intestinal Fortitude. On com­mence cette quatrième chaîne par un morceau à la fois complexe et joyeux avec des sonorités empreintes au cir­que. On pense alors à MIRIODOR mais assez rapidement un côté sarcas­tique s’invite et l’esprit zappaien plane pour finir en beauté sur une touche de flûte symphonique à la ASIA MINOR. Encore une fois FRENCH TV progresse. Toujours dans le même créneau, toujours aussi com­plexe mais peut-être un peu moins démonstratif et là, les compositions prennent un peu de souffle. Tou­jours les mêmes durées (entre 9 et 14 minutes) et une densité toujours présente même si au déluge de notes de temps en temps on a droit à des accalmies comme l’avait inauguré le précédent programme. Ici Mike SARY a laissé plus de la moitié des compositions aux autres (il y a encore une reprise très fidèle, ici, de VAN DER GRAAF GENERATOR : Pioneers over ‘C’) et a introduit du chant (sacrilège!) dans ses compositions ainsi que du violon, de la flûte qui contrebalance le côté jazzy des cuivres et donne une tournure plus symphonique par moments. Le troisième morceau est composé par Tony HALL (le gui­tariste), il est plus mélancolique et contemplatif avec de la flûte et un chant assez discret. Un album magnifique.

En 1997 FRENCH TV sort un album live : Yoo-hoo!!! FRENCH TV Live. Il faudra ensuite attendre deux ans pour avoir la sortie de l’album qui est considéré par beaucoup comme l’aboutissement de FRENCH TV, en tout cas l’album le plus apprécié par les amateurs de RIO pur et dur: The Violence of Amateurs. Vous pourrez retrouver une chronique de cet album dans le numéro 13 de TRAVERSES.

2002 : The Case Against Art. On revient à une veine plus empreinte de symphonisme et de moments doux. Il y a même quelques passages à la mélodie facilement identifiable et entraînante (sacrilège… malheureu­sement souvent trop rare dans le RIO). Ici pas de reprise et l’essentiel des cinq longues compositions est un travail d’ensemble. Encore plus varié dans la forme que par le passé, le travail d’équipe est abouti. Le troisième morceau par exemple (bien qu’étant la seule mono-composi­tion du chanteur/flûtiste Cliff FORTNEY) nous donne un parfait exem­ple d’hommage à GENTLE GIANT (et ses harmonies vocales). En particulier l’usage du canon (chaque chanteur présente le même élé­ment musical mais décalé dans le temps) de manière assez avant-gar­diste et complexe. Tout en incluant des passages tranquilles et d’autres rapides, plein de breaks et de changements de rythmes et de sonorités ce morceau est un parfait exemple de ce que peut réaliser FRENCH TV en progressif complexe sans pour autant paraître alambiqué, froid, mathématique, démonstratif comme certains craignent parfois lorsque l’on à affaire au genre. Bref un album qui ravira les amateurs du style FRENCH TV tout en complexité et d’autres plus symphonisants, car l’usage de la flûte, du violon et des claviers harmonieux est ici on ne peut plus courant.

Enfin cette année (cf. interview), 2004, sort le fameux Pardon Our French!. Avec une longue suite hommage aux groupes progres­sifs français des années 70, encore une fois, FRENCH TV nous gratifie d’une reprise de premier choix. Au lieu de choisir un groupe parmi des dizaines le choix a été de faire un pot-pourri en 8 parties de : ANGE, PUL­SAR, SHYLOCK, CARPE DIEM, ATOLL et ETRON FOU LELOUBLAN (il semble que les albums aux numéros pairs de FRENCH TV possède une reprise…). Une heure, cinq morceaux et un groupe enfin stabilisé et unique pour tout l’album : Mike SARY (basse), Warren DALE (claviers/vents), Jeff GARD (batterie) et Chris SMITH (guitares/cordes). Mike SARY, encore plus démocratique, ne co-écrit que deux des morceaux. Les deux compositions collectives sont dans le style typique de FRENCH TV et même s’il est fait usage de xylophone, trompette et autres ban­jos, on reste dans les sonorités habituelles, les contrepoints, les breaks et les changements en tous genres (surtout d’ambiances). Riche, sou­vent survitaminée, la musique de FRENCH TV reste un plat de résis­tance nourrissant…Le medley (16 minutes !) de prog français est, comme d’habitude avec FRENCH TV, très fidèle aux originaux. Oh!, bien sûr, tel jeu, telle sonorité ne sont pas exactement comme les origi­naux, mais le parti pris est de rester proche des maîtres. L’ensemble quasi complètement instrumental donne une idée du prog français à la fois riche, complexe, très mélodique et symphonique des seventies. Enfin les deux autres compositions, d’une part celle du guitariste, d’autre part celle du claviériste, montrent une utilisation du rythme dif­férente. Plus lente en générale elle joue plus sur l’emphase et des ambiances variées : le cirque ou l’Orient. Tears of a Velvet Clown de Warren DALE est probablement le morceau le plus réussi de l’album et le crescendo (rare chez FRENCH TV) s’ajoute aux techniques utilisées et maîtrisée par le groupe pour nous faire voyager.

Toujours inattendu et plantureux, cet opus de FRENCH TV, même s’il ne progresse pas par rapport aux deux derniers albums, n’en reste pas moins du même niveau ou presque et devrait déjà faire partie de votre CDthèque si vous êtes amateurs de progressif exigeant et complexe.

Pour les plus courageux et possesseurs d’internet le site du groupe est plein d’infos. Tout amateur du groupe trouvera tout ce qu’il veut sur FRENCH TV à: http://www.frenchtvonline.com/

Entretien avec Mike SARY

Tout d’abord, je voudrais te présenter toutes mes condoléances pour devoir supporter un président tel que G.W. J’ai cru compren­dre que tu n’étais pas un grand fan de ce président. Quel espoir dans un cas comme celui-là ?

Mike SARY : J’espère que le peuple des États-Unis va expédier ce clo­chard hors de la maison blanche. Aux États-Unis c’est très étrange. Je connais des douzaines de gens qui savent que BUSH et Cie sont des gangsters. Il y a tellement de médias (souvent sur le net) qui ont de bonnes vues politiques, la manifestation contre la guerre a été énorme, et il y a eu même des articles de médias normaux pour critiquer BUSH. Mais ces médias normaux ne vont jamais pilonner BUSH comme ils l’ont fait avec CLINTON ! C’est comme vivre dans deux mondes à la fois. Je continue de lire des articles sur des auteurs «gauchistes» tel que Al FRANKEN ou Michael MOORE qui attirent des centaines voire des milliers de gens lors de leurs manifestations publiques. Il y a énor­mément d’outrages à ces occasions, mais les médias le nient; Les médias sont TRES compromis
.

Vous avez fait 8 albums en 20 ans. J’imagine que vous ne vivez pas de vos droits d’auteurs ni des ventes de vos disques… Quelle popu­larité a FRENCH TV en terme de ventes (des centaines de milliers ou juste trois douzaines envoyées à des fanzines comme le nôtre) ?

MS : Nous vendons un peu en dessous de 1000 copies pour chaque album. Mais les ventes ont été meilleures et plus rapide pour FTV7, donc je suis optimiste. Je suis aussi touché par le fait que nous ven­drions plus si nous faisions des concerts plus souvent [environ 2 semai­nes par an], mais la plupart d’entre nous avons emplois et familles. Chacun doit faire face à sa situation. Peut-être cela va-t-il changer dans le futur, car nous envisageons de jouer en Europe et au Japon.

Le site de Gnosis (www.gnosis2000.net) classe vos albums avec une constante progression dans les travaux de FRENCH TV (de 9.31 à 11.32 ce qui est un score élevé). The Violence of Amateurs est numéro cinq de l’année 1999 juste derrière CHARMING HOS­TESS, The SCIENCE GROUP, SAMLA MAMMAS MANNA et DUTY FREE AREA.

MS : Vraiment ? Je savais qu’on avait de bons scores mais ne savais pas à propos de ceux de 1999. Très flatteur !

Il semble que la plupart des spécialistes de musique progressive apprécient votre musique. Est-ce assez, quelle est votre ambition musicale ?

MS : Oh, mon enfant ! Ma question préférée [cela ressemble toujours à une question d’entretien pour un emploi à pourvoir]… C’est difficile à appréhender, indépendamment du nombre de fois qu’on me le demande, car ce n’est pas une question que j’ai à l’esprit quand je tra­vaille. Cependant, que ce soit pour une chanson, un album ou un con­cert, j’essaye de me poser quelques questions : Est-ce que ceci est intéressant ou embêtant ? Est-ce surprenant ? Est-ce rigolo ? Est-ce assez fluide ? Est-ce que cela vous sort du monde extérieur pour quel­ques instants ? Est-ce profond ? Est-ce que cela pourra être réécouté [pas applicable pour des concerts qui sont des performances uniques] ?

Des visions à long terme, je ne sais pas. J’ai plus ou moins arrêté de me demander si cela valait le coup et si cela aidait le mouvement du rock progressif ou même si je peux espérer des acclamations ou du bon argent frais. Bien que je me dise parfois qu’il vaudrait mieux que je sois assis sur un tracteur à labourer mon champ quelque part au lieu de me demander pourquoi deux sections musicales ne vont pas ensemble. Tout ce que je sais, c’est que c’est quelque chose où je suis assez effi­cace, que ca rend la vie encore plus intéressante et me donne des moments que j’attends avec impatience et de plus il n’y a pas grand-chose de comparable à de bonnes rigolades avec un groupe de musi­ciens
.

Votre musique est souvent décrite comme complexe avec des chan­gements incessants de rythme, d’accords, d’intensité, etc. Mais cela reste rythmique et de la musique tonale. Cela reste du rock et l’ins­trumentation est plutôt classique dans ce domaine. Même dans la direction de ce que l’on appelle de la musique progressive com­plexe certains groupes vont beaucoup plus loin que vous. Quelles sont vos limites en matière d’expérimentation ? Que pensez-vous de, disons La Monte YOUNG, Iannis XENAKIS, Ornette COLE­MAN ou les REYNOLS
?

MS : Je les respecte ENORMEMENT, particulièrement COLEMAN. Je suis sidéré par quelqu’un qui peut contrôler chaque note et temps d’une composition, quand la pièce entière sort de leurs esprits et qu’ils sont alors capables d’en faire quelques chose de concret et physique.

Je sens aussi que ce n’est pas quelques chose de mon monde ou qui ait beaucoup à voir avec ce que je fais. Comme je ne lis presque pas la musi­que ou n’en ai pas la patience j’accepte plus ou moins le canevas choisi au départ. Je peux ima­giner le temps où ce que je crée ne me remplira plus et je voudrai essayer quelques chose de plus ambitieux, mais ce temps n’est pas encore arrivé. Aussi je ne peux m’empêcher de remarquer que je suis de plus en plus attiré par des compositions collectives.

Je continue de penser qu’il existe encore beaucoup de choses à dire dans le langage rythmique et de type rock, c’est donc encore mon domaine d’expertise. De plus, en étant bassiste, je tends à écouter de nouvelles musiques d’un point de vue rythmique plutôt que mélodique ou harmonique. De mon point de vue, en ce qui concerne la composi­tion, mélodie et harmonie ont toujours parus comme des éléments ou des épices à utiliser pour empêcher les rythmes d’être trop ennuyeux plutôt que des blocs de construction de base.

J’ai été un peu déçu par The Violence of Amateurs. Beaucoup de gens chez Gnosis ont donné une meilleure note à cet album qu’aux autres de FRENCH TV. Je le trouve dans la même lignée/philoso­phie que les précédents, alors que The Case against Art est beau­coup plus symphonique et lyrique. J’ai beaucoup aimé cela ! Suis-je le seul à avoir remarqué cela ? Etait-ce délibéré ? Est-ce que cela veut dire que FRENCH TV prend une nouvelle direction ?

MS : Bonnes questions et observations ! Les gens sont divisés sur quel album de FRENCH TV est le meilleur. C’est donc difficile de sortir une conclusion sur cela. Mais mon opinion est que l’aspect difficile/ complexe de Violence of Amateurs a plu à beaucoup de fans et manqué à The Case against Art. De plus les claviers n’étaient pas aussi prédo­minants pour Violence of Amateurs alors que les cuivres étaient très présents. Personnellement, je crois rétrospectivement que The Violence of Amateurs était un album de transition. Les membres de notre vieille formation, Dean ZIGORIS et John ROBINSON [nous n’avions même pas de batteur régulier à l’époque], étaient en train de finir lentement leur participation avec FRENCH TV pendant l’enregistrement [ils déménageaient tous les deux hors de la ville avec de nouveaux emplois]. C’était donc une période assez étrange. Dean a écrit deux des chansons, VOLARE et SAMLA MAMMAS MANNA sont aussi com­positeurs de chansons de l’album  ; donc en terme de composition c’était plus fragmenté. Certains ont vu cela comme une force ; d’autres, tels que toi, comme une faiblesse. Alors, oui, la différence était délibé­rée mais seulement amenée par les circonstances mais pas planifiée au préalable.

Je dois dire que notre dernier CD a plus en commun avec The Case against Art qu’avec les autres CD, en ce sens qu’il est plus homogène et écrit par le groupe [sauf le medley français] donc j’espère et pense qu’il te plaira autant.

Depuis j’ai pu apprécier Pardon our French, leur dernier opus dont vous avez pu lire une mini-chronique un peu plus haut et l’album de Warren DALE (la chronique paraîtra dans le prochain numéro de votre magazine favori…). Un neuvième album (peut-être double) est en enregistrement et mixage en cet automne 2004 et une possible tournée dans le sud de l’Europe pour janvier 2005 est en préparation. Bref, l’actualité de FRENCH TV est bien rem­plie.

—–Réalisé par Romain Rioboo, —TRAVERSES


from BIG BANG #8 by Aymeric Leroy


Depuis un peu plus de dix ans, une bande de fous dangereux sévit à Louisville, dans le Kentucky. Enfants terribles de la génération Reagan, les musiciens regroupés sous la houlette du terroriste musical Mike SARY, répandent sournoisement (car dans un langage strictement… instrumental leur haine de la sociétéamericaine.

Le plus étonnant dans histoire, cest qu au lieu de recourir la lutte armée ou de se lancer dans la politique, les musiciens de FRENCH TV ont préféréchoisir comme outil de subversion.. le rock progressif ! Notre publication ne pouvait donc rester indifferente aux agissements de ces dangereux activistes, d autant que ceux-ci viennent de mettre fin une tréve de pres de sept ans…

Des debuts confidentiels…

C’est pendant lété 1983 que l’on entendit pour la première fois le norn de FRENCH TV Quelques jeunes désoeuvrés de Louisville avaient en effet décidé de se réunir sous cette banniére pour, selon leurs dires, écrire et enregistrer de la musique, puis observer la réaction du grand public… et celle des amateurs de rock progressif .

Steve ROBERTS (claviers, batterie) et Mike SARY (basse), les deux individus lorigine du projet, avaient déjà oeuvré, ensemble ou séparément et sans succés notable, au sein d’une succession de formations toutes plus obscures les unes que les autres, aux noms aussi ésotériques que, par exemple, FESTUNG AMERIKA. Selon les dires de Mike SARY, celles-ci jouaient surtout des reprises dautres groupes, [luimame]étant le seul favoriser les tendances progressives, et se séparaient sans jamais avoir joué devant un public – si l’on excepte une ou deux soirées privées…

Le nom de FRENCH TV fut proposé par Steve ROBERTS. Ce nom lui semblait sympa, se rappelle Mike SARY. Etant disquaire, il recevait régulièrement des catalogues de cassettes vidéos pirates. Pour chacune était précisée l’origine du document: par exemple, radio belgeou, donc, télévision française… Pour ma part, jaurais préféré que nous nous appelions STRATEGIC AIR COMMAND, mais il eut le dessus….

Aprés avoir débauché deux autres jeunes désoeuvrés, Artie BRATTON et Fenner CASTNER, respectivement guitariste et batteur, ROBERTS et SARY se consacrèrent la production de leur premier pamphlet, sobrement intitulé FRENCH TV (LOST Records, 1984). Celui-ci, pressé faute de moyens 500 exemplaires peine, devint par la suite un album culte auprés des amateurs de rock progressif.

Bénéficiant dune production de grande qualité, celui-ci fusionnait les approches assez contrastées de Steve ROBERTS et Mike SARY, le premier offrant des compositions mélodiques, aux structures très travaillées, et le second privilégiant les structures libres, voire l’improvisation. L’influence prédominante demeure celle du jazz-rock (certains préféreront le terme de fusion), mame si les claviers de ROBERTS (piano, Fender Rhodes et synthétiseurs) donnent une couleur plus progressive au tout. Quant au caractére polémique de loeuvre, il napparaet par la force des choses que dans les noms des morceaux, laissant déjà apparaetre la couleur politique des musiciens: “D’heureuses armées se battent pendant leur sommeil”, “Sous le ciel, cest le désordre complet – et
la situation est excellente…”

Luttes de pouvoir?

La formation initiale de FRENCH TV ne durera guère au delà de ce premier essai. Steve ROBERTS, confronté des obligations familiales et professionnelles (il tient un magasin dequipement hi-fi et soccupe de son propre label/distributeur, ZNR Records), doit se désengager du projet. SARY reste seul aux commandes. Il pense alors abandonner le nom de FRENCH TV, mais son ex-complice len dissuade, persuadé que ses ventes futures sen verraient affectées.

En juillet 1986 débutent les sessions denregistrement du deuxième album. SARY fait nouveau appel Artie BRATTON et Fenner CASTNER, dont l’omniprésence ses côtés ne doit pas faire oublier quils sont avant tout des accompagnateurs du bassiste-compositeur.”Je leur présente des lignes de basse, au des structures de morceaux; partir de là, ils disposent dune certaine latitude dans le choix de leurs accompagnements. Cette notion de groupe ouvert” incite SARY inviter de nombreux musiciens a jouer sur ses disques – claviéristes (Bill FOWLER, Bob RAMSEY ou Paul NEVITT) et saxophonistes (Clancy DIXON, Bruce KROHMER) principalement.

Le résultat, un disque intitulé After A Lengthy Silence ~(1987) (aprés un long silence…), sort sur le label PRETENTIOUS DINOSAUR, par Mike SARY luimame. Doit-on voit dans ce nom une critique ironique l’égard des seigneurs déchus du rock progressif des années 70 ? SARY s’en défend vivement: Ce nom est, au contraire, destiné à tous ces cons de journalistes qui utilisent systématiquement ce genre d’expressions dés quils ont chroniquer un disque progressif. Mon sentiment, c’est qu’au lieu de nous excuser ou d’éviter ces accusations, comme le font la plupart des groupes connus, nous devons atre fiers d’atre catégorisés de cette maniére. C’est un peu comme les Noirs qui disent : on est des négres, et alors ? …Ma théorie est la suivante: pour faire cesser les conflits, commençons par nous mettre d’accord !….

Malgré le départ de son acolyte, Mike SARY continue avec ce deuxiéme album dans la voie tracée par son prédécesseur. Dans un genre empruntant toujours ses références des groupes progressifs à tendances plus ou moins jazz-rock comme BRAND X, BRUFORD, HAPPY THE MAN, NATIONAL HEALTH ou UK, FRENCH TV propose six morceaux de durées très variables, voyant successivement chaque musicien participant occuper le devant de la scéne et assurer l’accompagnement, sur des structures rythmiques généralement complexes soutenant des
thémes alambiqués et, il faut le reconnaitre, rarement trés mélodiques.

La réussite savère variable. Signalons tout de mame One Of The Jones Boys(3:12), l’enthousiasme communicatif, illuminé par les interventions de Clancy DIXON dans un style proche de Mel COLLINS, et suffisamment bref pour retenir l’attention d’un bout l’autre; et Go Like This(13:02), suite rebondissements qui commence de manière assez anodine mais s’envole littéralement après un très beau solo de flûte.

Mais la pièce la plus remarquable de ce disque est aussi celle qui surprend le plus. Vacilando(9:10) est en effet une improvisation réunissant SARY, BRATTON, CASTNER, Bill FOWLER (piano) et Paul NEVITT (synthés).

On assiste dans ce morceau la création en direct dune pièce musicale magnifique, résultat d’un travail collectif remarquable : au début, chaque instrument suggère quelques phrases, auxquelles répondent les autres, jusquà ce qu une longueur donde commune soit trouvée; puis le synthé crée un motif en deux accords sur l’equel les autres instruments créent au fil des répétitions un thème de plus en plus clair, avant que la batterie ne cimente le tout; le morceau décolle alors pour de bon. Ce titre de côture, bien qu’improvisé, est sans doute le plus progressif jamais créé par FRENCH TV; une expérience émouvante, riche en frissons.

Une bien longue absence…

Depuis 1987, FRENCH T.V. nous laissait sans nouvelles, bien malgré lui semble-t-il, puisqu’il s’avère que Virtue In Futility , le troisième album récenunent sorti, est resté au placard pendant près de quatre ans. Pourquoi donc? Entre 1987 et 1992 nous avons donné en moyenne un concert par mois, mais cela no nous a pas permis de nous assurer le soutien dun public fidèle. Artie et Fenner étant partis étudier dans des universités assez éloignées, ils nont pas pu continuer jouer avec moi – mame si Fenner la fait pendant six mois. Par consEquent, jai du monter de nombreuses formations- les quelque 17 musiciens, dont trois claviéristes, quatre guitaristes et six batteurs, sont cités dans le livret du CD L’une des raisons de notre long silence discographique est donc le fait que la plupart
des musiciens que jai employés navaient pas le temps de répéter pour les concerts ET apprendre mes nouvelles compositions… D’où l’étalement des sessions sur une période de plus de trois ans- dejuin 1987 octobre 1990.

Autre facteur de retard… les maisons de disques et leurs promesses rarement tenues. Un label de taille assez importante, basé Atlanta, m’a informé de son intérat pour ma musique, et m’a promis de nous faire venir l0-bas pour jouer des concerts. Pourtant, non de concret no s’est réalisé. D’autre part, Steve ROBERTS, qui était sur le point de sortir l’album sur ZNR. changeait toujours d’avis la dernière minute, soit parce quil manquait d’argent, soit parc qu’il voulait sortir autre chose. Au printemps dernier, jon ai eu assez, jai demandé un prat, et jai sorti le CD moi-mame….

Une fois de plus, il sera difficile de décrire cet album sans se référer aux morceaux quil comprend. Le menu de ce FRENCH TV. est on fait, comme lo group. nous y a habitués, des plus hétérogènes.

Il est cependant possible de discerner dos changements par rapport au précédent album. Globalement, on pourra parlor de progès, mais ceci nexclut pas quelques choix qui demeurent contestables. Ceux-ci sont au nombre de deux, et relèvent tous d’un petit excès d’égocentrisme.

Le premier est ce (long – 8 mn !) collage sonore, Friends In High Places, témoignant à nouveau, et pour la première fois de manière aussi directe, des convictions politiques très claires de Mike SARY, puisqu’il s’agit d’un montage des déclarations mensongères de Ronald REAGAN et George BUSH propos du scandale de l’Irangate. Cost sans doute un sujet qui lui tient à coeur, mais il faut avouer quun nonAméricain n’y verra guère d’intérat… Le second est une nouvelle improvisation, “I’m Whining For That Funky Baby Of Mine(6:20), qui laisse la part belle aux délires saxophoniques de Reid JAHN.

Au tour des réussites, maintenant, puisque ce sont les plus nombreuses. Parmi celles-ci, saluons dabord le passage au second plan de l’influence de ce jazz-rock aride et vaguement aseptisE qui enfantait les compositions les plus anecdotiques des deux premiers albums. Ces pièces, généralement assez courtes, ont donc laissé la place des morceaux plus longs et aux influences renouvelées. Empaté(7:48), Slowly I Turn… Step By Step… Inch By Inch…(12:15) et The Family That Oonts Together, Groonts Together(7:41) sont ce titre réjouissants. Mame l’usage des instruments à vent, beaucoup plus mélodique (moins jazz) qu’auparavant, ne devrait plus trop déstabiliser les nombreux mefiants; Richard BROONER, en particulier, nous offre des solos de trompette très réussis. Lutilisation plus systématique des claviers, une production plus chaleureuse (battene notamment) et surtout la plus grande densité des compositions, achévent le processus humanisantentrepris par FRENCH TV l’égard de la partie jazz-rock de son répertoire.

Quant à notre style de prédilection, il nest aucunement délaissé: Hey! Real Executives Jump From The 50th Floor(6:00), inspiré par les affaires de délits dinitiés de la fin des années 80, propose un rock progressif énergique, touffu et échevelé, avec un très bel interlude central de Paul NEVITT au piano. Quant à Clanghonktweet(6:39), il intègre avec succès, dans un mélange de séquences complexes et planantes, un violon électrique (sans doute l’influence U.K. !) qui nest pas sans évoquer certains groupes japonais par exemple OUTER LIMITS.

FRENCH TV, c’est en quelque sorte un supermarché des musiques progressives: un rayon jazz-rock, un rayon expérimental, un rayon free… et un rayon prog : chacun, scion ses gobts, séjournera plus ou moins longtemps dans chaque… Dis, Mike… tu nous lagrandis encore un peu, ton rayon prog ???

Projets?

Une chose est claire: on n’a pas fini d’entendre parler de Mike SARY et FRENCH TV; trois projets sont effet en cours.

Le premier est un nouvel album de FRENCH TV, Intestinal Fortitude (parution prévue pour février…. mais de quelle année ?), enregistré avec une formation renouvelée, plus démocratique (le guitariste a composé deux titres, et le claviériste, un), et comprenant mame un chanteur qui officie sur trois morceaux, parmi lesquels une reprise de Pioneers Over C de VDGG (j’aimerais savoir écrire des paroles comme Peter HAMMILL !!!).

Toujours propos de FRENCH TV, un CD live devrait voir le jour, ainsi que la réédition au format digital du premier album, introuvable depuis longtemps.

Enfin, Mike SARY travaille depuis plusieurs années en compagnie d’un claviériste, Michael MEDLEY, sur un projet musical “à mi-chemin entre le rock progressif et l’opéra, Les deux musiciens ont composé ensemble trois pièces musicales de plus de vingt minutes chacune.”

Réflexions….

Influences: “Je crois quil est vital pour un musicien progressif d’écouter beaucoup de groupes”, explique Mike SARY, “qu’il sagisse de prog, de jazz-rock ou de classique. Il y a beaucoup trop de formations dont on a l’impression queues ne s’inspirent que d’un groupe ou, pire, dun ou deux albums ! J’aime peu près tous les grands groupes des années 70, les CAMEL, GENESIS ou KING CRIMSON bien sur, mais aussi des choses plus bizarres comme lécole de Canterbury, HENRY COW, UNIVERS ZERO, la famille MAGMA, GROBSCHNITT ou encore ACQUA FRAGILE- ils avaient un excellent bassiste… Pas mal de jazz-rock aussi; en ce moment, mon groupe préferé est KENSO !

Du statut “indépendant”… : Mame si nous avons déjà trois albums notre actif, je crois qu’il est trop tôt pour dire si ça me plaît ou non. D’autant que celui-ci est le premier àsortir en CD…. le marché tellement changé depuis le précédent ! Ceci dit, en tant que consommateur de rock progressif, je trouve le marché indépendant merveilleux et en constante amélioration. Beaucoup de fanzines, de newletters, de réseaux informatiques et de distributeurs se créent un peu partout. Hélas, les radios et les salles ne suivent pas. Ce dont nous avons besoin c’est de gens qui utilisent tous ces nouveaux moyens de communication pour monter des concerts et des événements.

Etre un musicien progressif aux Etsts-Unis: “.. Les salles paient toujours aussi mal les groupes que dans les années 70, sauf les plus chiantes, celles où il y a des groupes de reprises, Les musiciens dici se plaignent souvent de la batise du public, comme quoi il ne veut rien écouter de nouveau et d’intéressant. C’est assez vrai, mais en fait les musiciens sont complices de cette médiocrité en jouant une musique sans intérat. Tout ce qui les préoccupe, cest de soigner leur look, de faire des solos hyper rapides et davoir l’équipement dernier cri. Pour eux, une composition longue, cest une chanson où le solo de guitare dure 24 mesures au lieu d’en durer 16 ! Sil vous semble que les musiciens m’énervent encore plus que l’environnement musical, eh bien vous avez tout fait raison! La seule manière de combattre la mauvaise musique, cest den faire de la bonne! Les publics hostiles, ça ne changera jamais!”.